Le coronavirus n’a pas créé le racisme anti-Chinois en Belgique

Début février, deux clients mangeaient à la table du restaurant. L’un d’eux me demande mon origine, raconte Lam, propriétaire d’un restaurant asiatique dans la rue qui relie la place de la Bourse aux Halles Saint-Géry. Quand j’ai répondu que j’étais chinoise, ils ont eu un petit rictus, mi-gêné mi-amusé, et m’ont demandé s’ils ne risquaient rien”, poursuit la restauratrice.

Une petite phrase qu’elle cherche à minimiser, avançant que c’est forcément pour rire et qu’il n’y a rien de méchant là derrière. À l’en croire, il n’y aurait aucun souci particulier à signaler dans cette rue de Bruxelles où fleurissent les nombreux restaurants asiatiques, si ce n’est quelques blagues de touristes ou de visiteurs.

“Le coronavirus n’a pas créé le racisme anti-asiatique” développe Renaud André, fondateur de l’association Asia 2.0 qui milite contre le racisme envers les communautés asiatiques. Cette association a lancé récemment une campagne intitulée “Et après le coronavirus, vous ferez quoi ?” Son but ? Sensibiliser la population au racisme anti-asiatique qui, s’il est moins visible, demeure bien présent dans notre société. “Pour la plupart des gens, un Asiatique est un Chinois, sans distinction entre les pays et entre les communautés qui les composent, développe le militant. Nous voulons faire comprendre qu’on ne peut pas mettre tous les Asiatiques dans le même sac. Ce qu’on appelle la communauté asiatique représente de nombreuses nationalités.”

Un témoignage vient illustrer son propos. Jeune étudiante liégeoise d’origine vietnamienne, Florence a été adoptée à la naissance par une famille belge. Elle nous confie une histoire qui fait partie des nombreuses anecdotes du même genre qu’elle pourrait raconter. “Dans un café, j’entends des gens tousser derrière moi, faisant un petit geste pour simuler la maladie. Je ne suis pas du tout chinoise, je suis belge et mes origines sont vietnamiennes. Pourtant, dans la tête des gens, si je suis asiatique, je suis chinoise et je suis donc susceptible d’avoir le coronavirus”, confie la jeune fille. Elle ne s’est pourtant jamais rendue en Chine.

 

La parole se libère

 

Sur les réseaux sociaux, le mouvement de dénonciation de cette stigmatisation prend de l’ampleur. Depuis deux semaines circule le hashtag #JeNeSuisPasUnVirus. Les internautes – pas uniquement d’origine asiatique – expriment leur ras-le-bol quant à la généralisation et les fausses rumeurs. 

Chacun y va de son expérience, dans les transports en commun, au restaurant et même dans les cours de récréation. Une prise de parole qui se démarque et surprend. “Les différentes communautés asiatiques ont plutôt tendance à se faire discrètes”, déplore Renaud André, qui entend dénoncer le phénomène au-delà de l’épisode coronavirus. 

Le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (Mrax) confirme enregistrer depuis plusieurs années des faits de racisme anti-asiatique, même si le phénomène semble moins virulent qu’en France, ou dans d’autres pays. 

“C’est une réalité qui existe. Il est tout à fait faux de penser que les Asiatiques sont préservés. Et depuis l’épidémie de corona-virus, on assiste à énormément de procès d’intention, explique son président, Carlos Crespo. On est dans la propagation de stéréotypes dignes des ‘Aventures de Tintin et le Lotus Bleu’!” s’exclame-t-il, citant l’exemple d’une rumeur qui circulait sur les réseaux sociaux selon laquelle une soupe de chauve-souris était à l’origine de l’épidémie.

 

(Jeudi 13 Février 2020 - La Libre Belgique)